Prospective d'une refondation épistémologique, Biennale NOVA, Centre Wallonie-Bruxelles, 2025

Vers des Cosmologies Alien, 

Prospective d’une refondation épistémologique

Essai et diagramme, catalogue de la Biennale Nova XX 2024 « Plurivers et Contingences », Centre Wallonie-Bruxelles, Paris, 2025

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Si les grandes transitions en cours soulèvent des questions d’une ampleur inédite et secouent l’édifice de la modernité occidentale, comment refonder une compréhension du monde ? Et si ces cadres sont déconstruits, comment imaginer de nouvelles cosmologies pluriverselles qui donnent du sens au monde d’aujourd’hui et de demain, mais aussi permettent de faire cohabiter et dialoguer des épistémologies radicalement différentes ?

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Couplant prospective, recherche artistique et philosophies post-humanistes et post-coloniales, le TAC Future Canvas vient ici servir de carte heuristique polygonale pour organiser ce dialogue en spatialisant une diversité de perspectives sur les mondes tangibles et intangibles, et en y introduisant l’horizon futur. 

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Réintroduire le futur dans l’univers des connaissances, c’est aussi redonner de la place à l’espace des possibles, à la spéculation, à la fiction, ou encore à la recherche artistique pour repenser ces frontières du visible et construire de nouvelles visions du monde.


A propos de NOVA_XX 2024 ‘Plurivers & Contingence’ au Centre Wallonie-Bruxelles, Paris, une biennale dédiée à l’intrication artistique, scientifique et technologique en mode féminin et non-binaire et à l’aune de la quatrième révolution industrielle / 4.0.

Manifeste de sa curatrice Stéphanie Pécourt :  La Biennale est dédiée à celles et ceux qui sous l’étendard d’un genre coalisant et hétérogène furent cantonné.e.s à la nef des marges dans l’ombre des certitudes.  NOVA_XX – espace liminal – ambitionne la mise en exergue d’œuvres, d’approches qui s’emparent, critiquent autant qu’elles attestent et incorporent des donnes scientifiques et technologiques.

Des œuvres fortes de leur capacité à la décoïncidence, de mises en tension et qui permettent de potentialiser des mondes non encore considérés et cartographies sinusoïdales. La Biennale déséquence et s’inscrit dans une aspiration à la désobéissance épistémique, dans une réflexion critique de l’éthique de séparation et des dualismes, dans une ode au Plurivers – pluralité de mondes hétérogènes qui réconcilie autant nature et culture, qu’humain et non-humain. Elle est une ode aux performativités aliens, au vivant dans ce qu’il a d’incommensurable, et à la recherche dans ce qu’elle a de fondamentale…

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Vers des Cosmologies Alien, prospective d’une refondation épistémologique


Cet article est un nouvel épisode du TAC Future Lab (Toward Alien Cosmologies), un projet de recherche artistique et prospective sur le changement de paradigme actuel qui secoue l’édifice de la modernité occidentale, invite à une refondation anthropologique et épistémologique, et convoque de nouvelles approches pluriverselles du futur.

 « Comment imaginer des mondes futurs lorsque tout est ambiguë et incertain !? » est sa folle et impossible question de fond – une question qui résonne tout particulièrement avec les thèmes et l’univers expérientiel, mélioriste et prospectif de la Biennale Nova.

Face à ce défi vertigineux qui dépasse l’entendement et la rationalité conventionnelle, le lab explore depuis 2017 de nouveaux cheminements décloisonnés et hors cadres, par des voies hybrides, artistiques et transdisciplinaires. Cela donne lieu à des créations (diagrammes, installations, photomontages, etc.), publications, conférences, masterclass, ateliers, expérimentations et expositions en France et à l’étranger.  Un journal de recherche en ligne retraçe tous les épisodes de recherche du lab : tacfuturelab.org

Recherche polygonale


Le diagramme conceptuel TAC Future Canvas dont ici est présentée une nouvelle version, accompagne les expérimentations et investigations du lab et fait l’objet de versions successives exposées, publiées, présentées ou utilisées en atelier.  Il sert de carte mentale et d’outil heuristique polygonal (multi-facettes) afin d’envisager, situer et explorer un très large spectre de focales et de perspectives, qu’elles soient spatio-temporelles, conceptuelles, spéculatives, subjectives, esthétiques ou expérientielles, tout en restant fluide et infini.

Les cinq sphères correspondent à cinq échelles d’analyse de transformation du monde présent et de conception de mondes futurs, dont trois appartiennent aux domaines des réalités partagées (micro, meso, macro), et deux ouvrent sur des dimensions invisibles et plus mystérieuses de l’être et de l’univers (onto et cosmo).  Ces cinq sphères sont poreuses, troubles (chacune peut se dédoubler à l’infini), sans frontières ou hiérarchies, et interconnectées. Il n’est en réalité pas possible de les dissocier ni de les cerner mais elles permettent de spatialiser mentalement un sémioscape [1] et de jalonner un espace imaginaire où faire apparaitre et cartographier des connaissances comme des visions du monde.

Elles dessinent une nébuleuse flottante dans un arrière-plan polygonal et infini (extro) qui les remet en perspective selon de nombreux axes qu’ils soient cognitifs ou temporels, humains ou non-humains (alien). Cet arrière-plan forme un espace ouvert (Open Polygon) où situer une diversité de prismes, que ce soit pour analyser les mouvements qui font bouger le monde aujourd’hui, explorer des mondes futurs en positionnant des jeux d’hypothèses et de projections – ce que fait la recherche prospective à différentes échelles de temps et y compris au regard de l’histoire -, ou encore ancrer, conscientiser et clarifier les biais cognitifs et épistémologiques adoptés.

La version du diagramme ici présentée met l’accent sur cette dernière dimension où s’ouvre une myriade de points d’entrée possibles et un monde vertigineux à lui seul, en résonnance avec la refondation épistémologique à laquelle donne lieu le changement de paradigme actuel comme nous allons le voir.

Dans cet essai (qui pourrait être un ouvrage infini), nous allons cheminer dans cet espace immatériel et approfondir ce croisement entre conception de monde, enjeux épistémologiques et art de la prospective, en espérant y trouver un peu de clarté…

Mondes Futurs et nouvelle frontière de la prospective


Née au tournant de la 2e guerre mondiale en Europe et aux USA, la Prospective est le domaine d’investigation des potentialités du futur dans toutes ses dimensions, défini par l’un de ses pères fondateurs le philosophe Gaston Berger [2], comme une « anthropologie de l’avenir ».

La Prospective ouvre, explore, construit et interroge de très diverses hypothèses futures. Si certaines s’apparentent à des expressions futurologiques (effet d’annonce), cette forme de recherche (qui fait partie du domaine des Future Studies), reste spéculative et n’a jamais valeur de prédiction ou de vérité. Ses méthodologies constituent une discipline péri-académique et font l’objet de nombreuses évolutions et expérimentations au gré des défis futurs lancés à la société, aux organisations et institutions, et à l’humanité.

La prospective est ainsi une pratique poreuse, plurielle et transdisciplinaire, venant mobiliser des connaissances de nombreux domaines académiques (sociologie, sciences politiques, économie, philosophie, sciences de l’environnement, anthropologie, technologies et humanités numériques, psychologie, neurosciences, théologie, etc.) mais aussi artistiques (design, architecture, Science-Fiction, art, performance, etc.).

Les enjeux actuels de changement de monde et de paradigme, que les prospectivistes caractérisent par tout un éventail de concepts – monde VUCA (Volatile, Uncertain Complex and Ambuigous), Post-Normal Times, Deep Transition, Queer Futures, etc. – remettent en question les méthodologies historiques et le cadre de pensée de la discipline.  Ce décadrage de la prospective se joue en miroir du décadrage et de la refondation anthropologique et épistémologique évoquée précédemment.

En arrière-plan de ces trois domaines se pose justement la question de comment reconstruire des mondes et des visions du monde, ce que nous appelons ici des cosmologies, soit étymologiquement des manières d’ordonnancer des mondes et des univers, et de leur donnant un sens – que ce soit par des discours scientifiques, philosophiques, artistiques ou religieux.

Comme le rappelle Isabelle Stenger [3], la science moderne (et chacune de ses disciplines) a formaté une certaine vision et vérité du monde, réduit à ses phénomènes observables, et suivant une logique de causalité. Les religions et mythologies font de même mais autrement. En réalité, chaque cadre épistémologique, approche et même langage (voir les mots-clés du diagramme), sont autant d’artifices pour formater le monde, un monde pourtant infini, mouvant et incommensurable.

Par un effort de zoom-out vers l’échelle cosmologique, il devient possible de mettre en perspective, interroger et peut-être mieux faire évoluer ou interconnecter ces cadres épistémologiques dans toute leur diversité, comme préalable à l’ébauche de nouvelles cosmologies et épistémologies pluriverselles.

Changement de monde, transitions et frontières ontologiques et cosmologiques


Avant d’entrer sur le terrain des nouveaux mondes, rappelons succinctement [4] l’ampleur des enjeux prospectifs et combien ils demandent d’introduire de nouvelles perspectives (échelles onto et cosmo), au-delà des changements socio-politiques et systémiques (échelle micro, meso et macro – soit les échelles typiquement adressées en prospective).

L’Anthropocène et la transition environnementale qui couplent capacités de transformations inédites et prise de conscience des limites planétaires, resolidarisent l’humain et le non-humain, et imposent une réflexion sur les devenirs planétaires et le temps long, bien au-delà des cadres de la rationalité matérialiste occidentale.   Comme le propose Arturo Escobar dans Designs for the Pluriverse [5], les ontologies et cosmologies des peuples indigènes, sont de nouvelles ressources cognitives pour appréhender ces perspectives et refonder des visions du monde et des épistémologies pluriverselles.

De concert, la transition démographique et post-coloniale, ce grand mouvement de rééquilibrage Nord-Sud et de métissage du globe, réintroduit dans le spectre de compréhension du monde, des ontologies qui relèvent de l’invisible, au point de flouter la frontière de la réalité et de ce que l’occident appelle la fiction. Le philosophe Mohamed Amer Meziane montre dans son dernier ouvrage [6], combien l’anthropologie occidentale de Latour et Descola, qui pourtant renoue avec l’animisme – en réalité une invention occidentale -, fait l’impasse sur les entités divines qui peuplent le monde musulman, façonnent un autre ordre de la réalité, et contribuent à son régime de vérité.

De même, selon cette métaphysique, l’univers mental et notamment l’inconscient, n’est pas enceint dans le cerveau humain, mais l’un des royaumes du monde, susceptible d’être visité par ces entités et forces supranaturelles. Bien d’autres traditions discursives et philosophies existentielles [7] – telles que les cosmologies bouddhiques par exemple – ordonnent le monde en multiples royaumes visibles et invisibles dotés de lois spécifiques.

Enfin, troisième grand mouvement planétaire, les technologies et la transition digitale génèrent, comme les deux autres des impacts résolument multi-scalaires (micro-meso-macro), et contribuent également à l’évolution des schémas ontologiques, cosmologiques et épistémologiques. Les IAs (intelligences artificielles), ces boites noires qui défient la rationalité humaine par des raisonnements et créations algorithmiques opaques, font parties des nouvelles ontologies avec lesquelles faire société, et secouent les mécanismes de fabrique de la vérité.

Le déluge informationnel qu’elles contribuent à accélérer de manière exponentielle par la génération de contenus fake mais bien réels, donne lieu au paradigme de la post-vérité qui ne manque pas de complexifier la refondation épistémologique et cosmologique évoquée.

La sphère numérique introduit par ailleurs de nouvelle manière de concevoir et penser des mondes qui nous intéressent.

D’une part, la conception des algorithmes et le déminage de leurs biais reposent sur le « monde implicite » qui leur est inculqué, sachant qu’une IA n’a priori aucun sens du monde et de ses principes, à commencer par celui de la gravité. Il faut donc leur donner ce que les ingénieurs nomment un « sens commun », soit un ordonnancement du monde (cosmologie) qu’il reste à modéliser. Cela demande, comme pour l’ère de l’Anthropocène, un décentrement radical de l’humain vers l’alien, soit l’altérité sous toutes ses formes.

D’autre part, l’émergence des réalités virtuelles et des univers persistants (métavers) donne lieu à un foisonnement de nouveaux mondes et univers immersifs qui justement, dessinent une cosmologie de multivers, et contribuent à l’ébauche de mondes futurs, cette fois-ci sous l’angle des mondes imaginaires, comme nous allons maintenant le voir.

Mondes et univers imaginaires


S’ils sont souvent solidarisés sous l’étiquette de mondes alternatifs, les mondes virtuels, les mondes imaginaires mis en scène dans les œuvres d’art et dans les œuvres de science-fiction, sont en réalité bien distincts et vont nourrir de différentes manières notre investigation.  Les œuvres littéraires et filmiques de SF ou encore de Cli-fi (Climatic Fiction), sont intentionnellement tournés vers le futur, et intéressent tout particulièrement le domaine de la prospective car elles permettent d’appréhender des hypothèses et risques à venir, notamment à l’échelle planétaire (macro).

Ces mondes riches et élaborés, laissant place à une ample diversité ontologique (nombreuses créatures), sont constitués par de lois physiques (régime et univers spatio-temporel) et existentielles (modalité et sens du vivre-ensemble) qui caractérisent leur cosmologie implicite. Ils restent cependant foncièrement disjoints du monde réel (cadre et « royaume » de la fiction).

Et comme le précise Amelia Barikin dans son essai « Making World in Art and Science-Fiction » [8] les propositions de mondes possibles issus de la SF restent centrées sur le fil du récit, l’expérience des protagonistes (micro), ainsi que celle du spectateur humain en quête de divertissement, ce qui biaise et limite l’investigation prospective.   A contrario poursuit-elle (citant Bourriaud), les mondes spéculatifs et non-narratifs imaginés par les artistes – et la Biennale Nova en est un parfait exemple – viennent proposer des hypothèses, des modèles et des conditions d’habitabilité de mondes futurs.

D’autre part, remobilisant les apports de Goodman [9], DiGiovanna [10] puis Suvin [11], elle rappelle combien ces mondes fictionnels, qu’ils soient issus de la SF ou de l’art, dessinent et offrent la possibilité d’explorer des régimes de vérité alternatifs, humains et non-humains, terrestres et extra-terrestres, c’est-à-dire étranges (alien).

Bien qu’il ne cite pas ces auteurs, le philosophe Quentin Meillassoux montre dans son ouvrage « Métaphysiques et fictions des mondes hors-science » [12] combien tout l’édifice de la Science occidentale – à commencer par ces grands principes d’observation et d’expérience énoncés par Popper et critiqués par Stenger parmi de très nombreuses autres voix – est rivé à la réalité terrestre et son régime spatio-temporel, et tente de s’en émanciper par la pensée comme le fait la SF.

Mais que ce passe-t-il lorsque la frontière fictionnelle, typique de la pensée universaliste et humaniste occidentale qui a scindé art et science pour mieux les travailler (et les interroger en regard l’un de l’autre comme nous le faisons ici), ne tient plus ou n’existe tout simplement pas comme c’est le cas dans d’autre traditions épistémologies non-dualistes ? Quelle cosmologie alien pluriversaliste permettrait de repenser, refonder la cartographie et l’architecture de ce paysage immatériel aux multiples royaumes, terrestre et a-terrestre ?

Les mondes virtuels immersifs et persistants tels que les univers de jeux vidéo, relèvent pour leur part des mondes imaginaires non pas fictionnels mais a-terrestres (non soumis aux contraintes matérielles et gravitationnelles planétaires), ne sont plus disjoint du monde réel, et constituent de véritables milieux de vie (meso). Peuplés d’un spectre infini d’ontologies (avatars), façonnés et régis par un ensemble de règles émancipés des lois terrestres, ils démultiplient les potentiels d’exploration à la fois de forme d’espace-temps, de régime d’habitabilité et de conditions d’existence [13], tout en étant intimement reliés aux mondes humains.

Ces mondes virtuels, où des millions d’individus agissent et consacrent des pans entiers de leur journée transforment, distordent ou démultiplient, l’espace-temps planétaire contemporain, autant que ses conditions existentielles pour devenir multivers.  Si chacun de ses univers et mondes enchâssés, dispose de sa propre cosmologie – composée d’une typologie d’espace-temps, de conditions d’habitabilité et d’un régime épistémologique -, quelle cosmologie pluriverselle les fait (les ferait mieux) cohabiter ?

A la recherche de nouvelles architectures épistémologiques


Dans son essai « In a Free Fall », Hito Steyerl [14], interroge le vertige et la désorientation que provoquerait l’abandon du cadre et des fondations épistémologiques de l’humanisme occidental, construites selon une perspective anthropocentré et géo-centrée, à la fois horizontale (lignes de fuite et linéarité du temps), et verticale (objectivation du réel, observation spatiale et ascendance de l’homme). Cette déconstruction nous laisserait en réalité dans un état de flottaison stationnaire dans un espace infini, sans haut ni bas (extro), où pourraient être redistribuer les cartes du monde en vue d’une justice planétaire future, et renaitre de nouvelles certitudes.  Son propos est manifestement empreint d’une confiance en l’avenir qui n’est pas celle de tous.

Une autre hypothèse énoncée par la prospectiviste Ivana Milojevic [15] est que la remise en question du cadre scientifique occidental, dorénavant perçu comme bien trop instrumental et biaisé (racisme et sexisme systémique, relégation de l’émotionnel comme de l’invisible et du spirituel, etc.), se joue en tandem avec la remontée des croyances ésotériques – la vérité est cachée ou inaccessible – en des « agents invisibles » au cœur des théories conspirationnistes. Le doute au cœur du projet scientifique se mue en défiance certaine. Dans ce régime de vérité, « la messe est dite » pourrait-on dire, non sans rappeler celui des traditions discursives religieuses ou d’autres entreprises de diabolisation, qui déplacent la frontière du vrai et du faux vers celle du bien et du mal, et renoncent à l’effort de démonstration.

Ces glissements parfois très subtils, rappellent toute la complexité des enjeux de la post-vérité, la plasticité et la porosité des écosystèmes de la connaissance, et combien, en arrière-plan de la question épistémologique, se joue bien la question des visions du monde et des fonds cosmologiques.  Dans son essai, Milojevic montre la nécessité et l’importance d’une forme d’ancrage dans un (ou plusieurs) régime(s) de vérité pour appréhender le présent et l’avenir.

Or il n’y a pas d’ancrage possible sans fond de carte explicite – ou sinon l’ancrage reste hasardeux, autocentré et replié dans une bulle -, et s’est bien l’enjeu de la refondation anthropologique et épistémologique en cours.  De même, dans ses travaux sur le pluriversalisme transmoderne, Dussel [16] invite à s’émanciper des fondements euro-centriques, tout en évitant de retomber dans l’écueil des fondamentalismes tiers-mondistes ou religieux de tout ordre. Comment dès lors reconstituer un socle commun à la fois ouvert et pluriel ?

En conclusion et ouverture, citons les travaux de Francesca Ferrando [17] qui dans son ouvrage Philosphical Posthumanism revient sur les enjeux de la diversité ontologique post-coloniale, ou encore sur la notion de multivers – mettant en regard la cosmologie occidentale et la philosophie [18] -, mais surtout propose un perspectivisme posthumaniste qui nous intéresse.

Si le perspectivisme philosophique énoncé par Nietzsche – à la suite de Leibnitz, et auquel fait également référence DiGiovanna – tend à faire disparaître toute forme de vérité (tout est subjectif, tout est relatif, comme le post-modernisme l’affirmera également), elle lui redonne un nouveau sens en le croisant avec les épistémologies féministes situées [19] et ses réflexions sur les ontologies post-humanistes.

Ce nouveau perspectivisme consiste à multiplier les perspectives humaines et non-humaines, afin de mieux accéder à la réalité des faits (qui restent des points d’ancrage), sous différentes facettes et selon différentes épistémès – et dès lors bien plus en adéquation avec le paradigme du pluriversalisme post-colonial, l’Anthropocène ou à l’ère numérique.

Comme mentionné précédemment, c’est selon cette même approche (que nous appelons pour notre part polygonale) qu’est conçu le TAC Future Canvas qui sert de guide pour adopter et situer une très grande diversité de perspectives, de vocabulaires et d’approches.

Ce diagramme introduit aussi l’idée que l’horizon des futurs pluriels ainsi jalonné, peut constituer un axe épistémologique et une carte commune d’un nouveau genre, formant une topologie conceptuelle approximative mais en état stationnaire et partageable.

La recherche artistique hybride peut tout particulièrement contribuer à explorer, révéler et clarifier ce paysage cognitif et prospectif (futurescape) de type imaginal [20].  Si dans « Manière de faire des mondes » Goodman tourne autour de la justesse des mondes crées en relation avec le réel (et s’enferme dans une impasse épistémologique), nous rouvrons et réorientons cette question dans le vaste champ spéculatif des hypothèses futurs et des potentialités, c’est à dire ni vraies ni fausses.

Ainsi, contrairement à Leibnitz et Lewis qui pensent les mondes possibles comme inaccessibles et hermétiquement disjoints de notre monde, nous réintroduisons ces mondes possibles comme contingent, présent au cœur de notre monde, justement dans ses dimensions imaginaires et virtuelles.  Dans cet espace heuristique des possibles, peuvent se rencontrer, les « vérifier » ou les remettre en jeu, un large spectre de discipline, de régime de vérité, et de pratique de (dé)monstration, dans un véritable flou artistique et génératif, où semble se préfigurer autant la connaissance que des mondes futurs, résolument devenus multivers pluriversels.


Notes


[1] Voir le diagramme Semioscape paru dans Menetrey, S. & Bidault-Waddington, R. (2016) Semiospace, a Spaced out artistic experiment, editions Clinamen, Genève. Ce diagramme reprend le principe de recherche polygonale initialement conçu et mis en mouvement dans le projet Polygon, exposé sous forme d’installation performative, dans The Incidental Person (after John Latham), à Apex Art, New York, 2010.

[2] Berger, G. (1955). L’Homme et ses problèmes dans le monde de demain. Essai d’anthropologie prospective, republié dans Berger, G., Bourbon Busset, J. de, & Massé P., (2007). De la prospective : textes fondamentaux de la prospective française, 1955-1966, Harmattan.

[3] Stenger, I. (1997). Sciences et pouvoirs, faut-il en avoir peur ?, Labor.

[4] Voir nos panoramas des mutations du monde contemporain plus amplement dépliés dans nos conférences ou dans Designing Post-Human Futures (2021), in Carrillo, J. & Koch, G. (eds). Knowledge For the Anthropocene, E. Elgar Press, et Vers des Cosmologies Alien, Topologie Prospective d’une Refondation Anthropologique, in FuturH Anthologies Prospectives #4, 2020.

[5] Escobar, A. (2018). Designs for the Pluriverse, Radical Interdependence, Autonomy, and the Making of Worlds, Duke University Press.

[6] Amer Meziane, M. (2023). Au bord des mondes, vers une anthropologie métaphysique, éditions Vue de l’Esprit.

[7] y compris occidentale, à commencer par la chrétienté qui fait exister le royaume des cieux, l’enfer et le paradis, mais aussi dans les cosmologies contemporaines et scientifiques qui formalisent mathématiquement l’existence de multivers, ou encore la théorie des imaginaires, comme nous le verrons plus loin.

[8] Barikin, A., (2013). Making Worlds in Art and Science-Fiction, in Cleland, K., Fisher, L. & Harley, R. (Eds.) Proceedings of the 19th International Symposium of Electronic Art, ISEA2013, Sydney.

[9] Goodman, N. (1978). Ways of Worldmaking, Hackett Publishing.

[10] DiGiovanna, J. (2007). Worldmaking as Art Form, The International Journal of Arts in Society, 2.1.

[11] Suvin, D. (1972), On the Poetics of the Science, Fiction Genre, College English, 34.3.

[12] Meillassoux, Q. (2013). Métaphysique et Fiction des Mondes Hors-Science, Aux Forges de Vulcain, Paris.

[13] Le mouvement du Transhumanisme construit son édifice théorique se ces bases, introduisant par exemple des notions d’éternité numérique au-delà des limites de la condition d’existence humaine.

[14] Steyerl, H. (2011). In Free Fall: A Thought Experiment on Vertical Perspective, e-flux Journal #24.

[15] Milojevic, I. (2020-23). Mirror, mirror on the wall, who should I trust after all? Future in the age of conspiracy thinking, unesco.eu.

[16] Dussel, E. (2009). Pour un Dialogue Mondial entre Traditions Philosophiques, in Cahiers des Amériques Latines #62.

[17] Ferrando, F. (2019). Philosophical Posthumanism, Bloomsbury Academic. Voir également son essai Toward a Post-Humanist Methodology, a Statement, paru en 2012 dans Frame, Journal for Literary Studies, Utrecht University, que nous avions cité dans Designing Post-human futures, ibid.

[18] Cet essai se concentre sur le triangle épistémologie, cosmologie et prospective, et dc nous ne développons pas ici les enjeux de la diversité des espace-temps qui est un autre volet de la question cosmologique.

[19] Voir les nombreux travaux de Donna Haraway à commencer par Haraway, D. (1988). Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective. In Feminist Studies, Vol. 14, No. 3.

[20] Le philosophe Henri Corbin définit l’imaginal comme un espace imaginaire de figuration mentale, distinct à la fois de la production d’image mentale mimant le réel, et de l’imagination fictionnelle. Voir Corbin, H. (1964). Mundus imaginalis ou l’imaginaire et l’Imaginal, in Cahiers internationaux de Symbolisme #6.


Futurescape : Art x Futur x Learning x IA, ISC Campus, Paris, 2023-24.

Futurescape Lab

Expérimentation Art, Futur et Innovation pédagogique

Campus ISC, Paris, 2023-2024.


Ce programme expérimental d’une année mené avec l’ISC Paris s’articule autour de l’exposition d’une nouvelle version du TAC Future Canvas déployé ici sous la forme d’une installation interactive dans le hall de l’école et appelée Futurescape.

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Celle-ci va permettre de mener différentes expérimentations pédagogiques et prospectives à destination des étudiants, enseignants, direction et entreprises partenaires de l’école, et prenant la forme de masterclass, atelier, publication, conférence.

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L’atelier Futurescape Lab venait explorer les enjeux prospectifs de l’IA en utilisant l’installation et en travaillant à partir d’images du futur générées par IA.  Un compte-rendu de l’expérimentation pédagogique est publié dans le Livre-Blanc de l’école.



Présentation du projet


L’ISC est une école de commerce parisienne fortement positionnée et engagée sur la diversité et l’inclusion, ainsi que sur l’innovation pédagogique, notamment par son approche du Action Learning.

Conçu spécifiquement pour l’école qui souhaitait introduire une dimension artistique dans ses innovations, le projet Futurescape s’articulait autour d’une installation artistique et prospective exposée dans le hall de l’école et se déroulait en plusieurs séquences de fin 2023 à fin 2024.
L’installation comprend une nouvelle version du TAC Future Canvas avec toujours ses 5 sphères, accroché sur un grand mur peint en vert (couleur des tableaux d’école), sur lequel il est possible d’écrire au marqueur blanc.

En introduction du projet, le Masterclass « Art et Futurs Inclusifs », destiné aux étudiants du Master International (module pédagogique dirigé par Sabine Bacouel), permettait de montrer comment les expérimentations artistiques contribuent au futur et peuvent être des vecteurs d’innovation inclusive, notamment urbaine.

L’atelier Futurescape Lab (voir ci-dessous les détails), programmé pendant la Semaine de l’Apprendre de l’école, invitait les étudiants internationaux (niveau master), à explorer, en utilisant l’installation artistique, les enjeux de l’Intelligence Artificielle, grand thème de l’année de l’école.

Un long article paru dans le Livre Blanc de l’école a permis de mettre en lumière les bénéfices de l’expérimentation pédagogique, que ce soit : le principe de « futur lab » qui stimule l’engagement, l’imagination ou le désir de compréhension (donc de chercher de la connaissance et d’apprendre) ; la mise en scène et en espace de l’expérience qui permet d’avoir une bonne dynamique collective (action learning), de sortir du format du cours conventionnel, voire de transgresser le cadre de l’école (interdiction d’écrire sur les murs) ; le travail par l’image, le diagramme ou le grand format, qui permet de visualiser et de raisonner autrement ; la restitution publique des production à l’occasion d’un événement de l’école comme accélérateur de motivation pour faire un travail abouti ; etc.

Plusieurs événements à destination des entreprises partenaires de l’école rythmait l’année et ont permis de mettre en perspective et valoriser le projet parmi les innovations de l’école, tels que par exemple le partenariat stratégique avec le très prometteur Handilab, développé par la Fondation Fiminco à St Denis.


Atelier Futurescape Lab


L’atelier commençait par un temps de réflexion partagée sur l’ampleur des enjeux de l’IA grâce au diagramme qui permet d’appréhender l’ampleur des impacts et la bigger picture – et d’autant plus que ce diagramme est né d’une réflexion sur les enjeux prospectifs de l’IA, voir à ce sujet la genèse du TAC Future Lab.

Les étudiants étaient ensuite invités choisir des sous-thèmes, et à décrypter des images du futur de ces sous-thèmes produites par Chat GPT + Dall-e pour réfléchir à la vision du futur ‘imaginée’ par l’IA, affûter leur sens critique et gagner en discernement sur ses biais implicites.
Les trois sous-thèmes étaient : Future of Eating, Future of Work, et Future of Dating.

Venait ensuite un temps d’ouverture créative avec l’installation qui servait d’espace de brainstorming et de génération d’hypothèses prospectives sur le futur dans une vision élargie du monde, afin que les groupes croisent leurs étonnements, interrogations et idées. La possibilité de circuler dans l’espace, d’écrire sur le mur et d’échanger en toute liberté contribuait au décloisonnement de la réflexion.

Les groupes de travail avait ensuite pour tâche de construire une vision d’avenir de leur sous-thème sur de grandes planches visuelles, en se servant du TAC Future Canvas, d’images et d’informations recherchées en ligne.

Pour en savoir plus, télécharger l’article paru dans le Livre Blanc de l’école + qq images ci-dessous.



Journée Art, Innovation et Prospective, Louvre Lens Valley, 2024

Innovation Culturelle et Prospective

dans un monde en transitions

Journée « Art, Innovation et Prospective », Louvre Lens Valley, Lens, 2024.


Destinée à l’écosystème d’innovation du Louvre Lens, et aux participants du programme d’accélération de son incubateur Louvre Lens Valley, cette journée comprenait trois masterclasses, suivi d’un atelier d’analyse des tendances prospectives.

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Le premier permettait de se familiariser avec la diversité des approches du futur, depuis la prospective jusqu’à l’art, en passant par le design, l’innovation et la Science-Fiction. Dans le deuxième, Raphaële Bidault-Waddington présentait l’historique de ses différents labs artistiques et prospectifs, et la genèse du TAC Future Lab et ses outils de recherche.

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Le troisième proposait, en introduction de l’atelier, un panorama des transitions qui font bouger le monde aujourd’hui et dessinent les enjeux des mondes futurs. L’atelier d’analyse de tendance, était ensuite coconstruit avec les participants pour répondre et nourrir leurs enjeux plus spécifiques.


Présentation


Louvre Lens Valley, lieu hybride situé à proximité du musée du Louvre Lens, a été créé pour stimuler le développement de la région autour du musée. Il propose un programme d’accélération de projets dans le domaine des industries créatives et culturelles (ICC), et organise des événements tels que cette journée « Art, Innovation, Prospective » afin de fédérer, faire se rencontrer et fertiliser les écosystèmes d’innovation de la région.

Les participants de la journée sont issus des sphères aussi bien artistique et académique, qu’institutionnelle, entrepreneuriale ou associative.

Le premier masterclass donnait un aperçu de la diversité des approches du futur, que ce soit par l’innovation et le design, la prospective, l’aménagement territorial, la science-fiction, l’art, la modélisation des transitions ou l’analyse de tendance.
Dans le deuxième, RBW présentait son écosystème de recherche artistique et prospective remontrant de manière plus concrète comme l’art peut contribuer à l’innovation dans toutes ses dimensions – qu’elle soit technologique, durable, culturelle, sociale, territoriale, prospective, etc. -, puis le TAC Future Lab dont le diagramme méthodologique sera utilisé l’après-midi.
Le troisième masterclass (conférence iconique du TAC Future Lab, mais adaptée au public du Louvre Lens Valley), proposait une vision à 360° des grandes transitions environnementale, digitale et démographique qui font bouger le monde aujourd’hui, à approfondir en atelier…

Atelier


Afin d’optimiser la pertinence et l’utilité de l’atelier, les participants sont invités à choisir des thèmes prospectifs qui les concernent tout particulièrement et à se structurer en petit groupe de cinq personnes.
Après une présentation de la méthode et du TAC Future Canvas, chaque groupe mettait en marche une exploration des tendances comprenant : un temps de brainstorming, une recherche d’informations et d’images, un effort de reconceptualisation créative à l’aide du canevas et de planches de travail, ainsi que des temps de partages et de discussion avec les autres groupes.
Les groupes formés ont ensuite poursuivi ce travail d’amorce en toute autonomie pendant les semaines qui suivaient l’atelier, et en soutien du développement de leurs projets ou activités.


limit/no limit, Art & Design Research Conference, Paris, 2024

TAC Future Lab

ouvrir de nouveaux horizons épistémologiques et pédagogiques

limit/no limit, AD REC (Art&Design), ENSCI, ENS Saclay et Université Paris Sorbonne 1 et 3, Paris, 2024


Cette intervention est l’occasion de reparcourir les enjeux liés à la connaissance du TAC Future Lab.

Si les expérimentations menées permettent de montrer les vertus pédagogiques et transdisciplinaires du TAC Future Canvas, la présentation met également l’accent sur la production de  connaissance par l’art. Dans notre cas, cela se traduit notamment par des recherches par l’image (moodboards), l’art du diagramme ou le design d'installation à la fois artistique, performative et heuristique.

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D’autre part, les mouvements des transitions soulèvent de nombreux défis en matière de connaissance (post-vérité, IA, éducation durable, pluriversalisme post-colonial, etc.) ; le processus de refondation anthropologique en cours se double en réalité d’un processus de refondation épistémologique et plurielle pour penser le monde. Le TAC Future Canvas ouvre des pistes pour remettre en perspective les cadres épistémologiques dans toute leur diversité.


Abstract


Par son ampleur planétaire inédite, le contexte actuel de transitions multiples (monde VUCA, Deep Transition) est une invitation, si ce n’est une obligation, de repenser notre manière d’habiter la planète, de voir le monde et de nous projeter vers l’avenir. Comment refaire monde lorsque tous nos cadres anthropologiques et épistémologiques sont remis en question ?

A l’occasion de cette communication nous partagerons des éléments de recherche issus du TAC Future Lab (TAC pour Toward Alien Cosmologies – journal de recherche bientôt disponible sur tacfuturelab.org) menés depuis 2018. Son objectif est d’explorer comment concevoir de nouveaux mondes futurs dans une démarche d’innovation méthodologique transdisciplinaire mêlant prospective, art conceptuel, design, philosophie et pédagogie inclusive, parmi d’autres disciplines mobilisées dans les travaux du lab.  Afin de s’émanciper des cadres épistémologiques conventionnels tout en respectant leur héritage et la possibilité de les relier, la création de nouveaux vocabulaires, architectures cognitives et ingénieries d’idées en est un point essentiel.

La démarche du lab inclue le design de diagrammes artistiques et méthodologiques, permettant d’ouvrir des espaces de recherche prospective radicalement transdisciplinaires et multidimensionnels (que nous appelons recherche polygonale), de croiser les savoirs et les points de vue, et d’explorer de nouvelles formes de monde. Ces dispositifs heuristiques, qui peuvent être spatialisés et mis en scène à l’occasion d’ateliers ou d’expositions, laisse leur place à l’imagination et à l’inconnu (ce que nous appelons le facteur alien), point sur lequel l’apport de l’art s’avère décisif et contribue à l’effort d’innovation pédagogique et d’empowerment du lab.

RBW

Slides de l'intervention


A propos de limit/no limit, AD REC, Paris


La conférence limit/no limit, qui aura lieu du 24 au 26 janvier 2024 dans le cadre de Art Design Recherche Conference [AD•REC], invite les esprits créatifs, les chercheurs et les passionnés d’art et de design à se rassembler pour mener une réflexion sur la question de la limite dans le contexte de la recherche artistique et de la conception en France. Le comité scientifique a sélectionné 40 propositions sur plus de 150 qui reflètent une approche critique et réflexive, ainsi que des contributions qui présentent des exemples concrets de collaborations interdisciplinaires et résilientes.

Dans un monde façonné par la modernisation des sociétés et la diffusion rapide d’un modèle productiviste capitaliste mondialisé, cette conférence se veut une plateforme de réflexion critique et créative sur les défis sociétaux actuels. limit/no limit propose d’explorer différentes dimensions historiques et géographiques de la notion de limite, soulevant des questions cruciales.

Axes de recherche  de la conférence :

1. RESSOURCES / La recherche en art et en design pour de nouvelles articulations entre communautés humaines et ressources naturelles.

2. SYSTÈMES / De quelle manière l’art et le design contribuent-ils à construire de nouveaux modèles de société ?

3. ÉPISTÉMOLOGIE / Comment l’art et le design contribuent-ils à la fabrication de nouveaux modes de savoirs ?

 

Site et programme de la conférence : limitnolimit.fr

Compte-rendu de toutes les inteventions sur le padlet de la conférence.


Researching the Future through Art, IFTF Foresight Talks, 2023

Researching the Future through Art

Foresight Talks webinar series

Institute For The Future (IFTF), Palo Alto, USA, 2023.


Ce webinar, organisé par le prestigieux Institute For The Future de Palo Alto avec lequel elle avait déjà travaillé en 2012, est l’occasion pour RBW de présenter l’ensemble de son écosystème de recherche artistique et prospective, organisé en différents laboratoires.

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Ses pratiques artistiques, que ce soient celles de son Image Lab, ou encore la créations de diagrammes artistiques, lui permettent d’introduire des matériaux et formats artistiques dans ses méthodes et expérimentations de recherche prospective, et tout particulièrement dans ses labs de R&D tels que Paris Galaxies (2008-17), puis TAC Future Lab.

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Ses travaux prospectifs mettent également l’accent sur la contribution de la sphère culturelle à la fabrique du futur, et notamment le futur de la résilience urbaine.


Présentation du webinar


“When logic only gets us so far, art provides a creative free zone to explore and begin a mindset transition to future solutions”.

In this new episod of the Foresight Talks, IFTF invites Raphaële Bidault-Waddington, artist and futurist, founder of LIID Future Lab in Paris, in a conversation with Rachel Hatch, IFTF Chief Operating Officer.

During the session, RBW will come back on her hybrid background and artistic research journey, which lead her to become a futurist, and share some concrete projects – including with IFTF and Aalto University in 2012 -, showing how she designs transdisciplinary laboratories and methodologies.

As part of LIID Future Lab’s R&D, she carried from 2008 to 2017 a multi-awarded project on the future Greater Paris Metropolis at Paris 1 Pantheon Sorbonne University with an ecosystem of partnering schools, which allowed to experiment truly out of the box future research experiences on near and far futures (150 yrs ahead).

Since 2017, LIID’s latest R&D TAC Future Lab addresses the current Anthropocene, AI and post-humanist paradigm shift, which deeply shakes western anthropological and epistemological foundations, and explores new research strategies to co-create meaningful futures.

 

Recording of the webinar available on Youtube

Slides de l'intervention



Designing Art-Based Future Labs, ZHdK, Zurich, 2023

Designing Art-Based Future Labs

closing keynote

Labor Digital International Conference, ZhDK (Arts Academy), Zurich, 2023


Dans le cadre de cette conférence à la Haute Ecole des Arts de Zurich, Raphaële Bidault-Waddington est invitée à présenter ses différents laboratoires de recherche artistique et prospective et de montrer comment ils favorisent la production et le partage de connaissance transdisciplinaire, et l’apprentissage par l’investigation et l’expérimentation collaborative.

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Son lab de R&D Paris Galaxies sur le Futur du Grand Paris a permis de prototyper de 2012 à 2017 de nombreuses méthodologies, que ce soit par l'image, le récit, le projet ou l'espace de travail - y compris dans l'espace urbain qui devient terrain de jeu et d'apprentissage.  A sa suite, TAC Future Lab expérimente depuis 2017 d'autre modalités exploratoires.

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L’introduction permet de reformuler une définition de ce qu’est à ses yeux un laboratoire, soit un cadre conceptuel permettant de structurer et faire vivre un processus de recherche autour d’enjeux définis, et selon une diversité de méthodologies et de formats qui peuvent être artistiques, académiques, prospectifs, innovants, ou hybrides.


Presentation


Raphaele Bidault-Waddington, is the founder of LIID Future Lab, a foresight research platform designing future labs in artistic, academic, urban and corporate contexts.

From 2012 to 2017, its multi-awarded lab on the future Greater Paris metropolis (with Paris 1 Pantheon Sorbonne University) prototyped a series of mixed future research and transdisciplinary pedagogic innovations. Its latest R&D lab “Toward Alien Cosmologies” addresses post-human futures and continues innovating at the frontier of future research, art and co-learning.


Interview complémentaire suite à la conférence


What does the format of the lab/laboratory mean to you?

Historically laboratories were specific spaces where to access certain tools, make experiences or design and test experimental protocols in order to extract learnings, to innovate or to produce (scientific and non-scientific) knowledge. The concept of laboratory is in fact rather fluid. In a more recent time, other types of laboratories without specific tools and places, such as learning lab, urban labs, living lab, future lab, art lab, and so on, have emerged. Philosopher Bruno Latour has even introduced the idea that the real world should be the laboratory to learn directly from.

As an alternative definition, in the last twenty years, I have been using the notion of laboratory as a conceptual frame to design, organize and unfold a research process, geared toward a certain critical challenge or topic, and combining experiences or experiments, and learnings (knowledge production and sharing). These learnings can be considered scientific if the lab respect academic rules and protocols, and positions them in relation to a discipline’s state of the art. But they can also be hybrid, peri-scientific or non-scientific when other methods, experiments and knowledge formats are used.

The labs I create as an artist-researcher and future lab designer, always have a speculative dimension, and mix artistic, future, urban and transdisciplinary academic research methods, experiences and formats.  Then a laboratory can be very short or very long (from one day to several years), evolve through time (different than a project or a production with a clear expected output), more or less open and collaborative, and involve a small or large number of participants.

 

What’s your favorite project that explores the future with a lab perspective?

My most thrilling project at the moment is the future lab “Toward Alien Cosmologies” that I started in 2017 to explore Artificial Intelligence future implications, and then expanded to the Anthropocene and post-Truth paradigms, which raise similar holistic future challenges. This lab is my most advanced future research where I’m trying to design new ways of exploring possible future worlds (cosmologies) when everything and at all scales, is radically uncertain.

The Anthropocene requires that we reinvent the way we live on Earth; AI (and technologies) challenges human capacities, certitudes, and politics and raise deep ontological issues; and the post-Truth shakes our relation and trust in any form of truth, as if everything has become somehow alien. This paradigm calls for a profound anthropological and transdisciplinary epistemological reset, which cannot be address with conventional rationality and that’s why and where Art is important. This lab is certainly not reasonable, in all the senses that term can take.

It also echoes post-humanist questions and philosophies as I develop in my article “Designing post-human futures” in Knowledge For the Anthropocene (E. Elgar Press, 2021).
A dedicated website, recollecting all the lab’s research episodes (workshops, exhibitions conferences and publications in France, US, Norway, Germany, Switzerland, etc.) since 2017 is due later this year.

 

Suite de l’interview sur le site du E-Learning Lab de ZHdK


Slides de l'intervention


A propos de Labor Digital


The conference will explore the questions of which scientific and historical foundations today’s labs are based on. Which exploratory learning and teaching forms, which interdisciplinary methods are lab-specific and what potential does the digital laboratory have for inspired, critical thinking?

Will the learning of the future take place in labs? Can experimental, explorative learning with experts and peers facilitate innovative forms of teaching and learning?
What role does digitality play, and what artistic and design-oriented approaches are we developing in labs? And how can we integrate these methods as small interventions in teaching practice or use them as an entire teaching unit? We will explore these questions analytically and playfully at the LaborDigital conference.

Programme de la conférence : https://paul.zhdk.ch/course/view.php?id=2312#section-2

Compte-rendu de la conférence : https://elearning.zhdk.ch/experience/labordigital-experimental-learnings-an-der-zhdk-1


Artistic Research For Future Challenges, A2RU x Learning Planet Festival, 2023

Artistic Research For Future Challenges

panel organisé par A2RU (Alliance for Artistic Research in Universities)

Programme online du Learning Planet Festival, Learning Planet Institute (ex-CRI), Paris, 2023.


Ce festival très ouvert fédère chaque année une vaste communauté internationale, académique et péri-académique, engagés sur le terrain de l’éducation, de la production de connaissance au service du Développement Durable, et de l’innovation pédagogique et inclusive.

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Dans ce cadre, A2RU (fédération d’universités rattachée à l’Université de Michigan, USA) invite des acteurs de la recherche artistique venant servir ces enjeux, que ce soit en approfondissant les leviers de la créativité, en créant des ponts entre expérimentation artistique et innovation, en favorisant la transdisciplinarité, et ou encore en allant vers la prospective.

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Raphaële Bidault-Waddington met l’accent sur le vocabulaire spécifique qu’elle utilise, tel que les notions d’ingénierie d’idées, d’intelligence esthétique, de recherche polygonale, de « art-based future research » pour adresser ces différentes questions.


Présentation du panel


In recent years, a growing number of researchers from the field of the Arts, are developing, in and beyond academia, innovative approaches to address the future and its critical challenges, such as the environment, post-coloniality or technologies, and have an increased impact on society.

The arts are a universal language. In our education systems and research methodologies, these essential tools and perspectives the arts offer have been underutilized. This group of creative futurists and arts-integrated researchers are working to re-integrate the arts to benefit learning and understanding of the earth and each other. Artists and creatives are known for methods that are speculative, non-reductive, and attend to both humanistic and natural concerns. This session will explore the promise and the power of the arts to address systemic problems.

For this exploratory round-table at the Learning Planet Festival, a2ru is pleased to invite four art-based researchers who are pursuing pioneering research practice, platforms and strategies to contribute to future research and positive change. Together, they will share their experience, and discuss how to better value and amplify that movement.

Participants in this roundtable are actively exploring and practicing creative integration in the public sector, higher education, and industry.

Speakers:
Aaron Knochel, Professor, Penn State University
R. Benjamin Knapp, Director, ICAT, Virginia Tech
Raphaële Bidault-Waddington, artist-researcher, futurist, LIID Future Lab
Theo Edmonds, Associate Dean/Co-Founder, University of Colorado Denver/Imaginator Academy

Moderator: Maryrose Flanigan, Executive Director, Alliance for the Arts in Research Universities (a2ru).

Recap : https://a2ru.org/recap-a2rus-artistic-research-for-future-challenges/


Art & Future Research, Alliance for Artistic Research in Universities, USA, 2022

Art & Foresight

Introducing an Art-based and Future Research Ecosystem

A2RU Webinar Series, University of Michigan, USA, 2022.


A2RU, réseau rattaché à l’Université de Michigan et rassemblant une quarantaine d’universités américaines engagées pour la recherche artistique, invite Raphaële Bidault-Waddington à présenter son écosystème de recherche artistique et prospective.

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Durant ce webinar, elle en rappelle la généalogie, à commencer par son ancrage dans l’héritage de l’art expérimental et conceptuel qui, depuis les années 70s, déplace le curseur de l'art vers le process, l’expérience ou l'idée, et dialogue avec la sphère de la pensée comme avec la société.

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Depuis plus de vingt ans, des différents laboratoires lui permettent d’adresser les frontières de l’art avec de nombreux domaines (ville, connaissance, économie, etc.) et tout particulièrement la recherche prospective. Le TAC Future Lab vient poursuivre et remobiliser l’ensemble de ses expériences et connaissances.


Slides de l'intervention


Présentation du webinaire


A2RU welcomes French artist and futurist Raphaële Bidault-Waddington to present her expanded art and future research ecosystem. Building on the heritage of conceptual art, her initial statement in 2000 was to consider art as a vast laboratory to explore, question and open critical perspectives on the world, and as a way to produce knowledge, eventually disrupting conventions, borders or disciplines.

Exhibited and published, her image laboratory addresses topics ranging from aesthetic speculation and value(s) creation to cities, metaverses and future world-building, from the digital transition to the post-truth paradigm. Her idea laboratory (renamed LIID Future Lab in 2016), also occasionally published or exhibited, experiments collaborations with organizations at the frontier of art with knowledge, economy, critical design, urban design, innovation and future studies.

From 2008 to 2017, her R&D lab on the future Greater Paris metropolis, hosted at ACTE Institute (Arts Research), Paris 1 Pantheon Sorbonne University, was laureate of several selective academic research and pedagogic innovation programs. Her latest R&D future lab Toward Alien Cosmologies focuses on post-human and post-colonial futures, the Anthropocene and the related anthropological and epistemological reset.

Watch the Webinar: https://a2ru.org/event/introducing-an-art-based-and-future-research-ecosystem/

 

About the Speaker

Raphaële Bidault-Waddington is an artist-researcher, author and futurist based in Paris and working internationally. Since 2000 she has cultivated an art-based research ecosystem organized in “labs” exploring the borders of art, contemporary world transformations, and hypothetical futures.

Her work has been exhibited in galleries such as Apex Art, in New York, Over Gaden Art Center in Copenhagen, gallery Forde in Geneva, and Colette and La Villette in Paris, and published in art and theory reviews such as Marges (Paris St Denis University), Pylone in Brussels, Les Cahiers Européens de l’Imaginaires in Paris and Susch Muzeum Magazine in Switzerland. Via LIID Future Lab, she has experimented collaborations with universities (e.g., CNRS, Aalto University Helsinki, Parsons School, Science-Po Paris, Lausanne University, IHEST, etc.), urban projects (Copenhagen, Montevideo, Shanghai, Tehran, etc.), cultural places (e.g., Atelier LUMA Arles, Geneva Museum of Art and History) and companies (e.g., Peclers Paris, Bouygue Real Estate, Chanel).

She is a member of international research networks on knowledge economy and futures studies.

All her exhibitions, publications, conferences and collaborations can be viewed on www.rbidaultwaddington.net


Artistic & Polygonal Research on Time multidimensionality, PRIMER, 2022

Exploring time multidimensionality

via an artistic and polygonal research

PRIMER 2022 Global Conference, online, 2022


Dans la continuité de nos réflexions sur les liens entre Art et Futur (Axe 3), nous faisons ici une expérience pour approfondir la question du Temps et de l’évolution des architectures temporelles au regard du changement de monde actuel - notamment l’Anthropocène qui oblige à penser le temps long.

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Le corps et la condition humaine nous inscrivent dans certaines réalités et structures temporelles qui ne sont pas nécessairement immuables ni universelles. L’espace et la diversité cognitive (cosmologies post-coloniales), les technologies ubiquitaires et virtuelles, ou encore les avancées scientifiques impactent tous nos cadres, schémas et représentations temporels.

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Relier à nos croyances les plus profondes, notamment celles concernant l’avenir, l’expérience du temps s’avère résolument multi-dimensionnelle, ambivalente et infinie. Ces réflexions ouvrent des pistes pour imaginer des cosmologies futures


Abstract


Time is a deeply multi-dimensional, complex and paradoxical experience. On one hand, our senses are able to experience several parallel or entangled forms of time, through events progression inside the real time, whether in the physical environment, in vehicles, via sound, screens and technological devices, images, windows or the distant landscape.

On another hand, and simultaneously or not, our mind is also capable of disrupting the timeline to travel backward and forward, in various dimensions (history, fiction, metaverse, immaterial, cosmos, future, etc.), and thus generating other time shapes and more dynamic time experiences.

Using images, artworks and theoretical concepts from different fields (philosophy, aesthetics, musicology, urban design, etc.), we propose to draw a taxonomy of time shapes and experiences, via a multi-faceted and diagrammatic approach (polygonal research).

RBW

Slides de l'intervention



A propos de la Conference PRIMER 2022


PRIMER, the conference designed to prepare you for the future

In 2022, PRIMER seeks to explore a theme as old as philosophy: we want to share perceptions, experiences, and current state-of-the-art futures practices to look deep, wide, and far into what might soon become the next paradigms.

 

Experiences of Time
In an era of growing parallelisms and of age-old notions yearning to be redefined, we are brimming on a nexus where our individual and collective consciousness and our presences are increasingly manifesting in – and through – hybrid experiences.
It is certainly a defining time, one of those “perfect storms” in which we can proactively apply our speculative competences to the many challenges ahead envisioning futures with full awareness, with a sense of urgency, or doom. Or, simply, with inertia.
Our theme this year focuses on the experience of time.

Conference program on Instagram


Art & Future Labs as LX, Learning Planet Festival, 2022

Art & Future Labs as Powerful Learning Experience (LX)

Partage d’expérience

Online masterclass, Learning Planet Festival, Learning Planet Institute, 2022.


Durant ce masterclass interactif, RBW vient présenter les aspects pédagogiques de ses laboratoires de recherche artistiques, urbaines et prospectives, et montre combien ce type de pratiques exploratoires, et plus généralement la ‘culture lab’, peuvent être des accélérateurs d’apprentissage.

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La revalorisation de cet aspect de ses expériences s’inscrit dans une réflexion plus large sur le rôle de la formation comme levier déterminant des transitions et de la fabrique du futur, ainsi que sur le futur de l’apprentissage (learning) dans et en dehors de la sphère académique.

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Le masterclass est organisé en partenariat avec le LX Design group qui rassemble sur Meet Up et via des webinars des acteurs européens de l’innovation pédagogique dans des contextes non-académiques et à vocation inclusive.


Présentation du webinar sur eventbrite


During this 90mn masterclass, Raphaële Bidault-Waddington, artist, researcher and founder of LIID Future Lab, will share a great diversity of artistic and future oriented experiments, showing how they become powerful learning experience (LX). Q&A will be taken for each presented case.
A broad scope of learning formats, contexts (school, academic research, work and culture) and profiles will be covered, from senior and highly educated executives, to Masters students or youth in difficulty, showing how, in all cases, a « creative lab » culture fosters learning desire, openness and empowerment. By definition, a « creative lab » thoroughly combines creativity, knowledge and experiment …
As a relaxed and discovery-oriented Friday afternoon, the discussion with participants will allow to collectively look for additional insights on creative pedagogy, futures literacy and LX innovation.

The zoom link is sent in the registration confirmation email.

Learning Planet Festival: https://festival.learning-planet.org/

Additionnal information: Tribune published by Raphaële Bidault-Waddington to advocate for training and creativity to tackle the Covid crisis in 2020: https://medium.com/@rbidaultwaddington/covid-19-an-economic-resilience-strategy-via-training-and-creativity-fffcd04b50f6

Slides de l'intervention